S’émanciper, comprendre, choisir
Nous le savons : il est sacerdotal de faire fi des facilités de l’argumentaire dans un domaine aussi polarisé que le nucléaire, de viser au-delà. Cet objectif légitime aurait dû être celui du pays le plus nucléarisé au monde dès le début. Au lieu de cette exigeante volonté politique, la France perdure dans sa difficulté à accepter un débat démocratique. Un confrère signe un livre, véritable plaidoyer pour un tel événement public concernant l’avenir du nucléaire civil français.
(discours de Valery Giscard d’Estaing, années 1970, extrait du film Plogoff, des pierres contre des fusils)
Pourquoi écrire un bouquin ? Tout simplement car depuis plus de quarante ans et le début du programme de construction de réacteurs nucléaires, les présidents se sont succédé à promettre une information claire et entière, promesse sempiternellement oubliée.
Aucun débat national n’aura donc eu lieu. Pas plus pertinent que complet. Comme nous, Antoine de Ravignan rappelle l’importance démocratique de sa tenue, tant la filière engage les finances, impacte sur le long terme de bien des manières. Dans son livre, ce journaliste d’Alternatives économiques livre donc un plaidoyer ciselé, détaillé, afin de permettre à chacun de comprendre, de susciter voire d’enfin engager ce débat essentiel dans la Cité.
A l’heure d’un nouveau programme, période charnière s’il en est, l’enjeu vaudrait pourtant de se demander s’il faut ou non engager la construction de nouveaux réacteurs nucléaires pour 2050 ? Sortir de ce type de production d’électricité ? Etc.
Loin des positions partisanes, Antoine de Ravignan s’appuie sur les rapports de RTE, NégaWatt et de l’Ademe, sur des experts sollicités en nombre. La situation du secteur est scrupuleusement analysée et les scénarios de transition sont décortiqués. Au final, l’auteur milite ouvertement pour qu’un débat soit planifié, oeuvrant d’ores et déjà à fournir une documentation solide qu’il s’est proposé ici de digérer afin de rendre accessible au lecteur cette impressionnante masse d’informations fouillées.
Ce débat approfondi, il pense que la Commission nationale du débat public (CNDP) peut se charger de l’organiser. L’éventuel choix géographique de Penly mobilise justement la CNDP. A cette occasion, la commission aura d’ailleurs dû rappeler son indépendance à gérer sans ingérence la forme et le fond des rendez-vous. L’avenir proche dira si elle sera parvenue à finaliser sa consultation sur l’organisation, pour la première fois en France, d’un tel débat. Si la France est définitivement tenue par la filière nucléaire, reste sous l’emprise de l’Etat dans l’Etat évoqué par Bernard Laponche.
« Nucléaire, stop ou encore » d’Antoine de Ravignan (édition Les Petits Matins)