Les Oreilles dans le Nuage
Tout le monde a compris que la radioactivité était inodore, inaudible, invisible, insipide et impalpable. Si bien qu’il faut être suédois pour penser produire un podcast d’anticipation sur un gros accident nucléaire. C’est pourtant le défi que relève Spotify, non sans réussite.
Nous sommes les premiers à savoir combien il est difficile de la radioactivité et de sensibiliser sur le nucléaire alors que nos cinq sens ne sont d’aucune utilité. Il faut alors seulement s’en remettre aux neurones. Nous avons bien noté les différentes formes d’expression existantes en ce domaine singulier, telles le théâtre, la bande-dessinée, la peinture… Mais Spotify a choisi de frapper de manière totalement originale : dans les trompes d’Eustache. Par la voix d’Emmanuelle Devos et Damien Bonnard.
Le frisson dans l’oreille
En tête d’affiche, ces deux acteurs prêtent en effet leurs voix aux personnages de la série Le Nuage, une création originale (comme dirait l’autre) en cinq épisodes de vingt minutes.
Loin de surfer sur le succès de la série Chernobyl, ce podcast natif a d’ailleurs été écrit avant 2019 après un long travail de documentation et de recherche. Les scénaristes Zoé Gabillet, Natalia Gallois et Fleur Gorre se sont attachées les services d’experts du nucléaire pour plus de véracité.
Objet de l’ovni culturel ? Confronter la France à la plus grosse catastrophe nucléaire de son Histoire. Un Fukushima à la française.
Le pitch ? Le 25 août 2020, en pleine canicule, un accident se déclare dans l’une des plus vieilles centrales françaises le Douvrey (tout le monde aura reconnu la référence à la centrale de Bugey…) près de Lyon. En cause, la surchauffe d’un réacteur mal refroidi, la faute à une sécheresse qui empêche de pomper l’eau des fleuves dont le niveau est trop faible. Julia Roch-Rivière, campée par Emmanuelle Devos en directrice de la centrale, va tout tenter pour protéger la population du nuage radioactif. Mais elle va se heurter à de nombreux intérêts supérieurs, hiérarchiques et politiques. Damien Bonnard joue le rôle d’un journaliste reporter de BFMTV qui lui viendra en aide. Chaque épisode fait le récit d’une journée avant, pendant et après l’accident. Une manière de questionner sur les leçons retenues des précédents accidents atomiques.
Une manière de questionner sur les leçons retenues des précédents accidents atomiques.
Des voix qui ne crépitent pas
Autant dire que tout repose sur le pouvoir de la voix.
Pour représenter cette menace invisible et l’opacité qui entoure le nucléaire, l’audio apparait comme le vecteur idéal. Hautement suggestif, le son permet de stimuler l’imagination, et dans un univers sous tension, qu’on comprend être celui d’une catastrophe nucléaire, vous pouvez créer vos propres représentations ! , selon la réalisatrice Aurore Meyer-Mahieu
Si bien que la conception sonore (le sound design) se devait d’être soignée et exigeante. A la tête d’une équipe d’une demi-douzaine d’ingénieurs du son, Nicolas Becker, qui a travaillé notamment sur le film Gravity, enregistre au microphone ambisonique en 360° les scènes extérieures et en studio et reconstitue l’univers à coups de savantes spatialisations en 3D. Immersion totale (idéalement, la production recommande l’écoute au casque audio plutôt que via des enceintes).
Vous l’aurez compris, l’originalité du format de Le Nuage ne se fait pas au dépend de la qualité. Idée suédoise mais séduisante !
Le Nuage, fiction de Zoé Gabillet, Natalia Gallois et Fleur Gorre, réalisée par Aurore Meyer-Mahieu (Fr., 2019, 5 × 20 min). Produit par Nouvelles Écoutes.
Bonjour,
C’est court mais intense. Et super flippant !
J’appréhende un peu le 25 août, surtout en cette période de sécheresse…