Am SCRAM gram

L’EPR a reçu toutes les autorisations, a été inspecté du radier à l’enceinte de confinement, a effectué tous les tests requis, a été mis en fonction. Et puis, a été stoppé net. Automatiquement. Cela sera rassurant quant à la sûreté des installations pour certains. Dans le même temps, cela pourrait revêtir un caractère inquiétant pour qui connait les déboires restés en suspens.

(chargement du combustible dans l’EPR / source : ASN)

L’ASN aura consulté le public, aura autorisé le projet de mise en service. Les tests à froid et à chaud validés, tout était enfin prêt pour que la France brille de son ex-vitrine nucléaire. C’était sans compter un arrêt automatique d’urgence, de son acronyme SCRAM. Nous n’avons jamais auguré de rien, mais nous avons souvent pris soin de rappeler les déboires passés, les dysfonctionnements en partie résolus, les interrogations à venir, qui ne laisse rien présager de bon. Et l’aventure EPR de ne pas mollir en rebondissements.

// En Bref //

• L’EPR fonctionne. Finalement pas.

• Les malfaçons ne manquent pas pour réitérer des arrêts automatiques

• Le plus gros risque réside quand la puissance maximale nominale sera atteinte. Pas avant 2035.

• Les problèmes sont d’autant plus importants que les réacteurs sont puissants. Pas sûr que l’EPR délivre un jour ses 1600 MW.

// En Bref //

Pic et pic

 

L’accord pour la production des premiers électrons était tout frais. Cela faisait enfin la fierté des décideurs et la joie des techniciens.

Certes, le couplage (raccordement au réseau) et la mise en service commercial n’aurait pas lieu avant ‘la fin de l’automne’. Un report afin de sécuriser tout le réacteur et qui faisait vœu de dernier et ultime ajustement avant une vie de production irréprochable pendant 80 ans.

EPR a subi tellement de déboires, du chantier (fissures dans le béton de la dalle, anomalies dans l’acier de la cuve, défauts de soudure sur les traversées de l’enceinte de confinement) à la confection (défauts et malfaçons en série sur la cuve, le fond de cuve, le couvercle, les soupapes, les générateurs de vapeur, la ligne d’expansion du pressuriseur, piquages inadéquats entre tuyauteries du circuit primaire, soudures défectueuses sur le circuit secondaire, capteurs de pression non conformes, éléments combustibles non conformes…). Autant d’épisodes que nous ne pouvons que vous conseiller de prendre en compte si cela n’était déjà fait.

Cette fois, EDF entendait prendre toutes les précautions et le temps nécessaire, si proche du but. Pourtant, de nombreux problèmes s’étaient révélé lors des essais précritiques, dont le dernier le 28 août n’aura que peu filtré. De quoi essuyer des événements de niveau 1 (échelle INES) avant même la mise en service commercial : soit tout dernièrement, un débit de fuite du circuit primaire supérieur au seul autorisé, une détection tardive de l’indisponibilité du système de ventilation du bâtiment réacteur (BK), le dépassement de la température du circuit primaire, des groupes électrogènes de secours indisponibles voire indisponibilité détectée tardivement, une injonction d’eau borée non attendue dans le circuit primaire, un signal d’alarme non pris en compte, et d’autres menus détails.

Rien que de très normal selon EDF quand il s’agit de tester et de mettre en service. Mais obligeant à des opérations supplémentaires imprévues.

Depuis la première réaction en chaine de fission nucléaire initié ce mardi 3 septembre (divergence), tout semblait enfin stabilisé. Mais dès le lendemain, l’EPR subissait un arrêt automatique (SCRAM donc). Une interruption liée à ‘une mise en configuration inappropriée de l’installation’ d’après la version officielle. Et de quoi faire démonstration ‘que le système de sécurité fonctionne bien’ selon une porte-parole d’EDF. Qui dit arrêt automatique dit système de ventilation EBA en fonctionnement automatique pour assurer la ventilation. Heureusement, il n’était plus indisponible.

Et colégram

 

Une erreur humaine ? Apparemment, un nouveau paramètre informatique maladroitement injecté dans un module du contrôle commande. Compte tenu des prochaines étapes, certaines plus sensibles quand il s’agira d’augmenter la puissance du réacteur, les aléas ne devraient pas manquer et les surprises pourraient être d’autre taille.

Car les EPR de Finlande et de Taishan ont souligné que les soucis peuvent être d’ordre bien supérieur. La folie des grandeurs ? Pour ne citer que lui, l’EPR de Taishan faisait apparaitre des problèmes de circulation des flux dans la cuve avec des conséquences sur les crayons d’uranium (turbulences dégradant le combustible). Aussi, grâce au retour d’expérience des EPR chinois, le RPN (système de mesure de la puissance nucléaire à partir de mesures neutroniques réalisées à l’extérieur de la cuve) et le RIC (système d’instrumentation interne du cœur) sont caractérisés non fonctionnels dès 2019, ce qui obère l’établissement de la répartition radiale de puissance du cœur. Encore, les problèmes liés à l’architecture du système de contrôle commande du réacteur ne sont pas résolus. Autant de dysfonctionnements, et d’autres, dont rien ne garantit qu’ils aient été résolus.

En attendant, il existe plus probant que cet arrêt automatique pour ‘montrer patte blanche’, selon le vœu originel de Régis Clément, directeur adjoint de la division production nucléaire d’EDF.

Les EPR2 ont beau supposément être attendus de confection différente de l’EPR, entendu que les retours d’expérience imposeraient des modifications, la création de la paire d’EPR 2 à Penly ne peut décemment être autorisée qu’une fois certifiés le fonctionnement de l’EPR de Flamanville par son couplage au réseau durant un laps de temps suffisant.  Et les résultats d’être alors représentatifs et strictement conformes aux exigences du cahier des charges.

Bour et bour et badaboum ?

 

Cette comptine enfantine n’a aucun sens. Voire verse dans l’incantation. Persévérer à faire fonctionner l’EPR FLA3 avait-il plus de sens ? Sauf à renoncer aux investissements sans cesse croissant, à se dédire. Sauf à justifier la confection à venir de paires d’EPR2.

Les délais sont à nouveau reportés. Avec un impact certain sur le projet nucléaire que souhaite Macron. Le raccordement au réseau électrique (couplage) n’interviendra pas avant décembre 2024 finalement. D’ici là, le réacteur devra atteindre 25% de sa puissance, après une montée progressive par paliers, et autant d’avis de l’ASN.

Mais les foyers français devront encore attendre pour bénéficier des 1600 MW du réacteur. Car la dernière étape de montée en puissance maximale nominale est reportée de courant 2028 à 2035 finalement. Une progression graduelle comme suspecte de quelque crainte : un calendrier de dix ans pour faire valider une puissance nominale par l’ASN n’est pas justifié par le cadre réglementaire (seule une limite de puissance thermique maximale est régentée). Cette instruction très lointaine par la future ASNR rend d’autant incertaine la conclusion d’un dossier que le nombre de tests ne justifie en rien.

L’inconnue réside dans le fonctionnement normal sous puissance maximale aussi importante, explique ces atermoiements, ces précautions : le nombre de problèmes et la complexité de fonctionnement ne sont pas proportionnels à l’augmentation de puissance d’un réacteur nucléaire mais sujet à un coefficient multiplicateur élevé. Tout est amplifié, à commencer par les problèmes techniques (vibrations, flux neutroniques…).

 

Mise à jour (septembre 2024) : les réactions nucléaires ont pu reprendre samedi matin. Compte tenu des anomalies et défauts de fabrication, d’autres arrêts pourraient survenir. Le réacteur de Flamanville 3 est ‘stabilisé à 0,2% de puissance’. Encore loin du compte donc pour faire tourner la turbine et produire de l’électricité (dès 25% de la puissance). Le réacteur devrait enchaîner les arrêts et/ou maintenance ou encore ne jamais atteindre sa puissance maximale nominale.